La presse sous la Troisième République

Des débuts difficiles

Le Franc-Parleur normand, 1871

Le pays est sous le choc, l'Empereur est le prisonnier de Bismarck. Le Moniteur du Calvados est abasourdi : « Où allons-nous ? » se demande-t'il. Paris est assiégé. Le gouvernement prend une série de mesures libérales, le timbre et le cautionnement sont supprimés. Tous les journaux peuvent dorénavant traiter de politique. Paris capitule. Bismarck impose la tenue d'élections législatives en février 1871. Les conservateurs l'emportent. Les républicains comme les légitimistes, représentés par Thiers, alors chef du gouvernement, avaient subi les foudres du régime antérieur. Thiers classait la liberté de la presse comme faisant partie des « libertés nécessaires ». C'est alors qu'en mars la Commune éclate, le peuple de Paris se soulève, une fois encore, après 1789, 1830 et 1848, et tient la capitale. Le gouvernement se réfugie à Versailles. La Commune prend des mesures contre les journaux conservateurs et républicains.

Une presse jacobine, socialiste et anarchiste fleurit alors. La répression est sanglante à l'image de l'exécution des fédérés au cimetière du Père-Lachaise. La République, restaurée, est plus que jamais aux mains d'un parti conservateur qui aspire à restaurer la monarchie contre l'anarchie. C'est le début de l'Ordre moral. Une série de mesures drastiques est adoptée, restreignant les libertés individuelles et le droit d'expression. Partout en France les Préfets interdisent les journaux jugés coupables de partager les convictions de la Commune ou tout simplement républicain. Dans le Calvados, Le Franc-parleur normand « [...] qui ayant soutenu la Commune de Paris, est condamné sans rémission le 16 juin 1871 ; quant au Courrier de Normandie, quotidien républicain publié à Caen, du 16 janvier au 17 juin 1871, il avorte sous prétexte du rétablissement du cautionnement [...] ».

En 1877, le souvenir de la Commune ravive des blessures plus lointaines mais réelles. Les journaux conservateurs se référent sans cesse à la Révolution et aux journées sanglantes de la Terreur : « Si les radicaux l´emportent, dixit Le Bon Sens Normand, [...] nous verrons siéger à Versailles une Chambre décidée à engager le Maréchal de Mac-Mahon dans une lutte qui ne peut se terminer que par une révolution nouvelle et aboutira à l´anarchie d´abord, à un cataclysme social ensuite. [...] La Convention qui inonda la France de sang lorsqu´elle fut dirigée par Robespierre, la première Commune de Paris qui poussa la cruauté jusqu´à la folie et au ridicule, sous la domination sinistre d´un criminel nommé Hébert, la seconde Commune de Paris dont tout le monde se souvient, tenaient leurs pouvoirs d´un nombre infime d´Électeurs. [...] »

Le Bonhomme normand, 1877
Le Progrès de l'Orne

Fin septembre 1877, L´Ordre et la Liberté publie un manifeste signé par nombre d´aristocrates députés ou Sénateurs invitant les électeurs à se prononcer pour les candidats conservateurs. Les dernières lignes anticipent la loi de séparation, crainte parmi les craintes de nombre de conservateurs dont Auguste Leprovost-Delaunay, bonapartiste, qui estime dans L´Écho bayeusain, que si Mac-Mahon n´était pas là : « [...] de graves dangers menaceraient la Religion [...] » C´est l´un des points du programme de la Démocratie républicaine socialiste de la Seine que les Conservateurs dénoncent.

L´Ordre et la Liberté reproduit le programme des républicains socialistes, lesquels réclament : « L´amnistie sans restriction... sauf pour Mac-Mahon et ses Ministres ; la séparation des Églises et de l´État ; l´instruction exclusivement laïque, gratuite et obligatoire ; la liberté absolue de la presse ; le divorce et l´émancipation de la femme ; l´élection au suffrage universel ; etc. jusqu´au 22ème point portant sur la suppression du Sénat. » Nombre de ces propositions feront l´objet, plusieurs années après, d´une attention notamment en ce qui concerne la séparation, l´instruction et la loi sur la presse. L´Ami de l´Ordre, organe bonapartiste, met l´accent sur le danger d'une victoire républicaine : « Il s´agit de savoir si le pays entend être solidaire de la politique des 363 qui nous conduisait tout droit à la ruine sociale et à la guerre étrangère, ou s´il s´associe à la politique réparatrice du 16 mai [...] qui lui garantit sa sécurité intérieure et extérieure.»

 

« [...] Le ministère a été renversé et remplacé par un ministère conservateur : la guerre s´est brusquement ouverte entre le Maréchal de Mac-Mahon et Monsieur Gambetta, entre la réaction conservatrice qui occupe aujourd´hui le pouvoir, et le radicalisme, qui, hier encore, tenait le pays presque tout entier [...] »

 
page prÚcÚdente haut de la page page suivante
Le Franc-Parleur normand, 1871
Le Bonhomme normand, 1877
Le Progr¶s de l'Orne