Les tourments de la période révolutionnaire

Omniprésente sous l'Ancien Régime, la censure disparait sous les coups de boutoirs de la Révolution. Les Constituants, en rédigeant la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, firent de l'article 11 l'un des fondements de notre Société :

 

« La libre communication de la pensée et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans le cas déterminé par la loi ».

 
 

Pierre Michel Picquot créa en janvier 1790 le Courrier des cinq jours, lequel devint en 1791 lors de l'apparition des départements, Courrier du Calvados. Peu avant, Desmares, également avocat, avait fondé le Journal patriotique de Basse-Normandie, qui pouvait se targuer d'être le premier quotidien de la région. Conservateur, ce journal exprime sa défiance envers la Constituition civile du clergé, ce qui, en cette période confuse et pour la moins dangeureuse, incita semble-t'il Lepeltier à en cesser la parution.

Plus à l'Ouest, à Vire, un imprimeur, Jacques Malo, fonde avec un dénommé Lallemand, le Courrier des campagnes. Vendu 1 sou, ce journal est destiné aux masses populaires. Anticlérical, il exprime son aversion à l'encontre de l'Église dans son édition du 20 mai 1791 :

 

« Le mot Église, emprunté du grec, signifie assemblée du Peuple. L'Église de France est la société du Peuple qui habite le territoire français, c'est la Nation française. Combien est donc ridicule la présentation de ces hommes qui vous disent lorsqu'ils parlent : c'est la parole de l'Église et qui font consister le Peuple de Dieu dans une centaine d'évêques séditieux que Dieu et le peuple ont également réprouvés ! »

 
 

Dans la Manche, le premier journal fut créé en 1790 par Mithois, professeur du collège de Coutances. L'Argus fut le seul journal publié à cette époque jusqu'à l'apparition en 1792 des Entretiens patriotiques. 1792 marque le début de la Terreur et d'une lutte pour le pouvoir. Le Courrier républicain, organe des Girondins, s'en prend aux chefs de la Montagne, Marat et Robespierre, respectivement qualifiés de "scélérat" et "d'aboyeur sans génie, de crapaud, et d'insecte". Le coup de force des députés montagnards contre les députés girondins, le 2 juin 1793, sonne le glas du Courrier républicain. La chute de Robespierre (juillet 1794) et l'avénement du Directoire autorisent plus de tolérance, ce qui semble servir les journaux conservateurs. La Renommée de Mortagne ne semblait guère épouser la République. À Caen, le Journal général du Calvados affiche clairement sa symathie à l'égard de l'Ancien régime. En réaction, et devant les progrès des monarchistes, Jean Boulay-Malassis, fonde en septembre 1796, toujours à Caen, la Gazette universelle.

La Gazette universelle du département du Calvados, 1796

« Plusieurs journalistes font tous leurs efforts pour persuader que les jacobins redoublent d'activité afin d'anéantir la constitution. Mais pourquoi ne signalent-ils pas en même temps cette foule de royalistes qui, avec une tournure plus adroite, des formes plus mielleuses, ne visent pas moins au renversement de cette même constitution ? Eh quoi! parlera-t-on toujours des crimes des jacobins et jamais des horreurs commises par les chouans! Journalistes, qui vous dites amis de la vérité, si vous voulez qu'on croye à votre impartialité, signalez également tous ceux qui cherchent à détruire la république, à verser le sang humain, à nous ramener à l'anarchie pour conduire à la royauté ».

 

La victoire des royalistes aux élections pousse le Directoire au coup d'État du 18 fructidor (septembre 1797). Une quarantaine de journaux de droite sont interdits. Les lois des 19 et 22 fructidor placèrent la presse sous le contrôle de la police. À la fin du Directoire, seule la Gazette du Calvados subsistait jusqu'à sa disparition en juin 1799, ce qui laissa la région sans presse jusq'en septembre, avec l'apparition de la Gazette des départements de l'Ouest.

Les circonstances facilitèrent l'arrivée au pouvoir de Napoléon Bonaparte, à la faveur du coup d'État du 18 Brumaire. Dès lors, la presse vécut sous la censure. François Lepeltier, lequel avait fui en 1793, reprit la Gazette des départements et lui redonna le titre de son premier journal Affiches, annonces et avis divers de la Basse-Normandie. Lepeltier, inquiété sous la Révolution, son journal avait été saisi, entrait ainsi dans la ligne éditoriale définie par le premier consul, comme en témoigne l'extrait ci-dessous :

 

« Nous écarterons avec la plus sévère attention tout ce qui pourrait réveiller les passions haineuses : aucune diatribe ne soulevera les feuilles de ce journal qui sera dans tous les temps une preuve de notre soumission aux lois et notre vénération pour ceux qui s'en montreront les dignes interprétes » .

La Renommée ou Journal de Mortagne, 1797
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La Gazette universelle du département du Calvados, 1796
La Renommée ou Journal de Mortagne, 1797