La presse à l'épreuve de la guerre

Le Bonhomme Normand, victime de la censure, 1914

La guerre éclata soudainement bien que le climat était tendu de longue date et notamment depuis Agadir. Des alliances s'étaient constituées et le service national avait été porté à 3 ans en 1913. Mais l'esprit de revanche était bel et bien réel. Ne fallait-il pas un jour ou l'autre reprendre les provinces "perdues" en 1871 ? Le Bonhomme Normand se fit l'écho de l'imminence de la guerre en titrant "La Guerre Menaçante" (ci-contre).

Le conflit créa aux journaux des difficultés considérables. Le personnel fut mobilisé, le papier se fit rare, la diffusion était compliquée par les problèmes que connaissait le réseau ferroviaire, lequel avait contribué à son essor, à sa diffusion. La conjoncture - la montée des prix et en particulier de celui du papier - obligea les journaux à augmenter leur prix de vente, ce qui en ces années difficiles leur fit perdre nombre de lecteurs, ce malgré la diminution des frais consécutive à la réduction de la pagination - on était passé de quatre à deux pages. Il convient d'ajouter que les journaux avaient souvent une trésorerie peu florissante du fait du peu de marge réalisé pendant de nombreuses années. Un des premiers effets de ces difficultés fut la disparition d'un grand nombre de journaux. Il y eut pendant cette période, en Basse-Normandie, deux fois plus de fermetures - 54 - que de créations, 26. 33 cessèrent toutes activités en 1914.

Ouvriers typographes au travail Ouvriers mobilisés devant l'Imprimerie du Messager de la Manche, 1914

Une autre répercussion du conflit fut la fusion des titres. Aussi, cela fut-il le cas dans le Sud-Ouest de la Manche. Parmi les 20 journaux qui cessèrent de paraître après la déclaration de guerre, 3 des 5 titres qui jusqu'à cette date étaient des éditions cantonales du Réveil Avranchinais, ainsi que ce dernier, parurent quotidiennement pendant toute la durée des hostilités sous le titre unique de Réveil. Nouvelles de la Guerre.

La censure allait jouer à plein. Le Ministère de la Guerre contrôlait les publications au moyen du Bureau de presse. Une morasse, c'est à dire une épreuve des pages de leurs journaux devait être déposée par les journaux et le bureau de presse censurait les textes qui faisaient preuve de trop de liberté. Le Ministère de la Guerre donnait des instructions aux Préfectures lesquelles les transmettaient à la presse. On recommandait de ne pas toucher aux obus ou encore la presse informait les réservistes de telle classe ou telle classe d'un départ imminent. Ce manque d'information est significatif d'une censure omniprésente. Si les journaux ne respectaient pas les ordres, ils s'exposaient à des saisies voire à des poursuites et à des suspensions. Le conflit servit de prétexte pour interdire de publication plus facilement qu'en temps de paix : plus que jamais la censure fut une arme politique. 11 journaux de la région furent censurés et saisis pendant le conflit.

 

3e Région Caen, le 25 décembre 1916

Place de Caen

Le Général CHAPLAIN

Commandant d'Armes

à Monsieur le Préfet du Calvados

J'ai l'honneur de vous communiquer message ci-après que je reçois de la 3e Région ;

CONSIGNE DE PRESSE.

Ne pas laisser passer dans les journaux aucune information relative à des exécutions de femmes espionnes.

A.D. Calvados, R. 2537

Le Bonhomme Normand, victime de la censure, 1914
page prÚcÚdente haut de la page page suivante
Ouvriers typographes au travail
Ouvriers mobilisés devant l'Imprimerie du Messager de la Manche, 1914